8 octobre 2005

La Grande-Bretagne réfléchit aux quotas de CO2 personnels

D’ici une dizaine d’années, tous les résidents britanniques pourraient se voir doter d’une carte de « crédit personnel de carbone », l’équivalent d’un « permis à points » de droits d’émission de gaz à effet de serre. Rendue publique et examinée depuis quelques mois par l’administration Blair, la radicalité de la proposition fait débat.

Formulée pour la première fois en 1996, le principe des « domestic tradable quotas » - quotas domestiques négociables (DTQs) - consiste à attribuer à chaque habitant du Royaume-Uni une quantité identique de droit d’émission de gaz à effet de serre ou d’équivalent carbone. Ce plafond individuel, matérialisé par une carte de paiement, valable un an et fractionnée en unités carbone (chacune égale à 1 kg de gaz carbonique), est ensuite dépensé au quotidien. En fonction des achats et consommations d’énergies contribuant à l’effet de serre : plein de carburant, facture d’électricité ou de gaz, billets d’avion, etc… on retire de la carte un certain nombre de points.

Budget carbone
Le calcul de l’allocation repose sur un « budget carbone » annuel. Un plan-cadre fixé à (très) long terme - pour les 20 ans à venir - et bâti à partir des réductions d’émissions décidées lors des réunions internationales. Tous les ans, ce montant, converti en unités carbone, est ensuite réparti entre les organisations (industries, hôpitaux, collectivités…) et les résidents du pays, selon la part des ménages dans la consommation d’énergie nationale. Si besoin, pour acheter de nouveaux points ou vendre leurs surplus, les petits porteurs de carbone ont accès à une place boursière. Ce marché des droits d’émission serait similaire à ceux existants pour les industries (déjà en activité à Londres et en Europe) où les titres et unités individuelles se négocieraient au cours du jour, d’après les lois de l’offre et de la demande. Bien plus égalitaire et responsabilisante qu’une « taxe carbone » imposée – qui en augmentant les prix frapperait surtout les faibles revenus, la solution des DTQs s‘avère sur le papier particulièrement flexible. A chacun de s’organiser pour respecter ou non son quota. L’initiative individuelle est préservée. L’intervention de l’état limitée à la distribution des unités carbone, même si d’une année à l’autre, les quotas seraient en principe progressivement revus à la baisse.
Côté logistique, le suivi de ces transactions continuelles suppose la création d'une gigantesque base de données. Une comptabilité informatique, chargée de suivre, débiter, enregistrer, en temps réel, l'ensemble des unités carbones dépensées ou échangées par les détenteurs de cartes. Les défenseurs de la protection de vie privée soulignent le risque de dérive liberticide d’un tel système, capable de pister les comportements économiques de l’intégralité de la population, résidents temporaires inclus. D’autres dénoncent un scénario de rationnement énergétique irréaliste, difficile à mettre en pratique. Comment par exemple, outre le chauffage et les transports, décompter précisément la valeur carbone du panier de la ménagère ? L’exercice n’est pourtant pas impossible. En 2003, l’ingénieur consultant Jean-Marc Joncovici a, par exemple, fait son bilan personnel, estimant les émissions de CO 2 de sa maisonnée à 6 tonnes par an, dont 234 kg d’équivalent carbone liés aux fruits et légumes, 134 aux yaourts et 400 aux déchets de sa poubelle.

Un projet qui pourrait se concrétiser

Depuis peu, ce qui n’était au départ qu’une recommandation d’experts est devenu une affaire politique. Après un projet de loi – The Domestic Tradable Quotas Act - déposé en juillet 2004 par le député travailliste Collin Challen, puis un débat à la chambre des communes, l’influente Commission Développement Durable a recommandé à son tour, cet été, à l’exécutif anglais de « onsidérer sérieusement » une mesure de ce type. « Les allocations personnelles de carbone sont une idée intellectuellement très séduisante » a déclaré Elliot Morley, le ministre de l'environnement du gouvernement Blair. Interrogé par la presse britannique, il a confirmé qu’un plan était bien à l'étude, mais à un stade très préliminaire. « La mise en place sera potentiellement très coûteuse, mais cela ne doit pas nous nous empêcher d'en évaluer les bénéfices. (…) Il faudra sans doute 10 ans de débat avant d'arriver à quelque chose . »

De 2003 à 2004, les émissions de gaz à effet de serre ont encore augmenté de 1,5 % en Grande-Bretagne. Un niveau jamais atteint, mais peut-être assez élevé pour rendre un plan DTQs acceptable par les citoyens britanniques.

source:
Maxence Layet
http://www.novethic.fr/novethic/site/article/index.jsp?id=95410

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