18 octobre 2005

Décharges de responsabilité!

La réduction des déchets à la source, la récupération des matériaux et l’information du public, annoncées par la loi du 13 juillet 1992, sont demeurées des vœux pieux. La loi fixait ainsi qu’au 1er juillet 2002, la mise en décharge soit limitée aux « déchets ultimes », c’est-à-dire « qui ne sont plus susceptibles d'être traités dans les conditions techniques et économiques du moment, notamment par extraction de la part valorisable ou par réduction de leur caractère polluant ou dangereux ». Nous sommes là devant un cas d’école de subordination de la loi à l’économie. Les conditions du moment veulent que plus de la moitié des déchets ménagers et assimilés (DMA) soient encore mis en décharge.

Les conditions du moment ont certes changé le look des décharges : il conviendrait de les appeler « centres d’enfouissement technique » (CET), voire de « stockage des déchets ultimes » (CSDU), pour donner un peu de crédibilité à nos gestionnaires. Ceux-ci se vantent de fermer des petits centres non conformes, décharges brutes (gérées par les communes sans autorisation préfectorale) et décharges sauvages. Hors, non seulement l’efficacité de ce programme est toute relative (de l’aveu des différents services de l’Etat, le recensement même des décharges n’est pas complet, loin s’en faut) mais les quantités enfouies dans ces petites décharges sont négligeables. En effet, plus de 90% des DMA enfouis en 2002 ont été reçus dans 208 gros CET de classe 2, d’une capacité supérieure à 20000 tonnes par an.

Les conditions du moment, ce sont des réglementations taillées sur mesure pour les grands groupes industriels, en vue de la privatisation et la concentration des décharges. Entre 1993 et 2002, la capacité moyenne des CET accueillant des DMA a augmenté de 68% ; entre 2000 et 2002, l’emploi dans les CET a diminué de 23%, pour une quantité enfouie égale. A cette date 87% des décharges sont exploités par des groupes privés en délégation de service public. Les mêmes industriels nous vendent des incinérateurs et des mégadécharges, conçus pour une rentabilité maximale et en pérorant sur le respect des normes.

Trois critères appellent à une vigilance accrue envers les mégadécharges actuellement en exploitation, ainsi qu’à l’opposition à tout nouveau projet de cette nature :

1) Surdimensionnement des installations.

Les prescriptions techniques régissant les décharges en font des installations industrielles nécessitant des investissements et équipements lourds. Les industriels privés en charge de leur maîtrise d’ouvrage et/ou de leur exploitation ne s’intéressent donc qu’à des installations rentables, c’est-à-dire d’une capacité minimale d’environ 30000 tonnes de déchets enfouis par an. De surcroît, ce critère économique incite aux projets d’extension de décharges existantes, ce qui accentue le phénomène de concentration des installations.
Alors que la capacité moyenne des décharges à maîtrise d’ouvrage publique (désormais minoritaires) s’établit à 35000 tonnes, celle des décharges à maîtrise d’ouvrage privée atteint 112000 tonnes. Les plus grosses installations enfouissent plus d’un million de tonnes de déchets chaque année.
Evidemment, de telles installations posent les problèmes désormais bien connus du surdimensionnement :
- déni des objectifs de prévention : les grosses installations sont des appels de déchets ;
- allongement des transports et surproduction de gaz à effet de serre ;
- complexification de la gestion des installations, favorisant les fraudes et dysfonctionnements ;
- déni du principe de proximité.

2) Procédé d’enfouissement : transformation de ressources naturelles en pollution.

Les prescriptions techniques régissant les décharges ne s’intéressent qu’au confinement des déchets vis-à-vis du milieu extérieur, par la mise en place de barrières destinées à prévenir la diffusion d’effluents gazeux (biogaz) et liquides (lixiviats).
Nous ne disposons pas encore de garanties sur l’efficacité de ces systèmes, si ce n’est sur leur coût de plus en plus élevé pour les collectivités. Dans leur principe, les barrières souterraines ne suppriment pas les pollutions mais les diffèrent simplement dans le temps.

Il n’existe en revanche pratiquement aucune prescription sur le procédé d’enfouissement en lui-même. Celui-ci consiste toujours à mélanger pêle-mêle des déchets aux propriétés physico-chimiques très diverses, ce qui créée les polluants et compromet toute reprise ultérieure des matériaux. Sans contrainte, on continue de mélanger aux autres déchets les mâchefers d’incinération, diffuseurs de dioxine et de métaux lourds, et les matières organiques (fraction fermentescible des ordures ménagères, boues de station d’épuration, en forte augmentation…) alors que celles-ci sont responsables de la production de polluants organiques, lixiviats et gaz toxiques.

La Directive européenne 1999/31/CE du 26 avril 1999 fixe une limitation chiffrée et progressive des flux de déchets fermentescibles envoyés en décharge, mais cette disposition n’a pas été retranscrite dans le droit français.

3) Pollutions diffuses et ignorées.

La réglementation sur les décharges ne s’intéresse qu’à un nombre très limité de substances polluantes au regard de toutes celles qui ont été caractérisées par les études successives. De surcroît, elle n’indique pas de restriction quantitative mais seulement une obligation de surveillance, dont l’appréhension est laissée à l’arbitrage des préfets.
Au delà de cette réglementation très limitée, les connaissances scientifiques elles-mêmes sont très lacunaires concernant les pollutions dûes aux décharges :
- inventaire incomplet des polluants émis, aussi bien dans l’atmosphère que dans les eaux souterraines ;
- dangerosité non quantifiée pour nombre de polluants qui n’ont pas encore été étudiés ;
- méconnaissance des effets toxicologiques : bio-accumulation, effets cocktails, reprotoxiques…
- méconnaissance des modes de dispersion et dissémination dans l’environnement.

En outre, si les polluants chimiques et organiques sont encore mal appréhendés, les « polluants écologiques » sont tout bonnement ignorés : pollution bactériologique des sols, impact des espèces invasives sur les équilibres de la faune et de la flore.

Enfin, il faut constater que le droit à l’information du public est le principe le plus méprisé en ce qui concerne les décharges. Le CNIID appelle à l’ingérence des citoyens et des associations dans le suivi des décharges par tous les moyens légaux, notamment par un fonctionnement réel des Commissions locales d’information et de surveillance. Les décharges sont des outils au service du public et pas des multinationales !

pour en savoir plus:
http://www.cniid.org/index.htm?http%3A//www.cniid.org/camp_decharge.htm

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