Durable et surtout... solidaire !
par Jean-Claude Pierre,
Porte-parole du réseau Cohérence
paru dans le Ouest France du 16 janvier 2006
L'expression « développement durable » a envahi notre vocabulaire. Beaucoup en usent et en abusent, comme s'il s'agissait, par une formule magique, de conjurer le désenchantement que suscite le mode actuel de développement.
Adroitement récupérée par la sphère marchande, l'expression est même en passe d'être banalisée et, en partie, vidée de sa substance ; elle n'emporte plus d'ailleurs qu'une unanimité de façade.
Cette dérive est d'autant plus regrettable que le concept élaboré par les Nations unies, à l'occasion du Sommet de Rio, en 1992, est apparu comme la seule idée neuve. Beaucoup ont entretenu l'espoir que sa mise en oeuvre permettrait à l'humanité de relever les redoutables défis auxquels elle est confrontée.
S'imaginer qu'il suffirait, pour relever ces défis, de se montrer un peu plus soucieux des équilibres écologiques de la planète et un peu plus économes de ses ressources, pour que notre modèle soit durable, c'est commettre une erreur lourde de conséquences. C'est faire l'impasse sur ce qui constitue, en fait, la clé de voûte d'un véritable développement soutenable : sa dimension éthique et morale.
« Satisfaire équitablement les besoins relatifs au développement des générations présentes et futures », le troisième des 27 principes élaborés par les Nations unies ne laisse place à aucune ambiguïté : il est incompatible avec le processus de sélection sociale que développe l'ultralibéralisme.
Placer l'équité au coeur des politiques de développement est, en effet, la seule manière de mettre un terme à l'inquiétante montée des inégalités dans nos sociétés.
Une telle démarche va bien au-delà de la simple prise de conscience écologique ; elle implique la mise en oeuvre effective du principe de fraternité, sans lequel les idées de liberté, voire même d'égalité, peuvent justifier toutes les dérives.
« Le XXIe siècle sera fraternel ou ne sera pas. »Ce propos de l'abbé Pierre, mieux que celui prêté à Malraux sur le spirituel, nous semble résumer la question centrale. Il conduit à reconnaître nos devoirs de solidarité avec tous les hommes qui peuplent la planète.
« Tous les hommes deviennent des frères »,comme le fait chanter Beethoven en reprenant, dans l'Hymne à la joie qui conclut sa 9e Symphonie, les paroles de Schiller. L'Europe, qui en a fait l'hymne européen, peut-elle s'inspirer de ces paroles pour proposer des alternatives aux seules approches financières qui conditionnent les formes actuelles de la mondialisation ?
On doit susciter un sursaut de cette nature et il revient à tous ceux qui refusent de se résigner aux seules lois du marché, d'agir en conséquence, pour favoriser la mise en oeuvre d'un véritable développement, durable... et solidaire.
C'est une voie - sans doute même la seule - pour redonner un sens au mot progrès.
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