Brûler du blé plus rémunérateur que de le consommer ?
On connaissait le bois énergie pour valoriser les hais bocagères, des agriculteurs opportunistes ont inventé la chaudière à blé pour valoriser les aides européennes. Les projets d'utilisation de biomasse peuvent aussi déraper.
Une association d'agriculteurs de Seine-et-Marne, épaulée par la Coordination rurale, a installé une chaudière à blé dans la commune de Lescherolles. Situé en pleine Brie céréalière, cette commune chauffe depuis octobre 2004 son école maternelle et sa mairie. Thierry Perche, Président du syndicat prétend que « la chaudière permet de réaliser des économies significatives par rapport à une chaudière fioul classique ». Lescherolles est assez exemplaire d'une dérive d'un projet a priori plein de bons sens. Dans un premier temps, cette chaudière devait « valoriser » les sous-produits de triage (grains maigres, grains cassés…). Au final, c'est bien les grains de blé qui sont brûlés : le trieur était trop cher ou bien d'autres raisons sont dissimulées ? Thierry Perche a justifié cette installation pour permettre aux agriculteurs de la commune de trouver des débouchés pour le blé contenant des mycotoxines, ou issus de terres polluées. En effet le premier juillet 2006, les grains de blé n'entrant pas dans une certaine norme ne pourront être utilisés pour l'alimentation humaine ou animale. Une solution opportuniste qui évite de se pencher sur l'éradication de ce champignon.
Quand le blé est brûlé, c'est des primes européennes qui partent en fumée
L'exemple de cette commune n'est pas une première en France, puisque d'autres agriculteurs ont déjà installé ce système chez eux. A première vue, ces projets sont novateurs, écologiques et assurent une autonomie énergétique. L'AGPB (association générale des producteurs de blé) a sauté sur l'occasion pour rappeler que ces projets étaient financièrement intéressants « alors que le baril de pétrole coûte 35 dollars ». Une centaine de machines sont déjà installées en France à grand renfort d'aide : 40 % de crédit d'impôt au 1er janvier 2005. Xavier Delommez, agriculteur près de Valenciennes, a fait ses calculs : « une tonne de blé pour chauffer ma maison reviendrait à la vendre 273,75 euros (en s'alignant sur le chauffage au fuel), quand la coopérative m'en donnerait 100 ». Seulement, dans tous ces calculs d'efficacité, les primes européennes sont toujours inclues. Quand le blé est brûlé, c'est aussi des primes européennes qui partent en fumée, soit 410 euros pour un hectare de blé. Avec la réforme de la Politique agricole commune (découplage des aides de la production), la chaudière à blé devient valable puisque chaque agriculteur gardera « une rente » sur les primes acquises en 2003.
400 litres de fioul pour produire 8,5 tonnes de blé
Au-delà de l'intérêt financier, le rendement énergétique du blé est loin d'être évident. La production de blé nécessite des intrants (engrais, pesticides). Quand le rendement avoisine les 85 quintaux par hectare, il faut utiliser 400 équivalents litres fioul d'énergie (moyenne qui comptabilise l'ensemble des consommations : carburants, fabrication des produits chimiques, transports…). Sans compter les impacts directs sur l'environnement. Alors, quel est le gain écologique ? Ces agriculteurs auraient par exemple pu valoriser leurs haies bocagères (ou en réimplanter si elles ont déjà disparu) dans une filière énergétique locale. Le bois des haies alimenterait les mêmes chaudières, mais avec un intérêt écologique et paysager reconnu.
Enfin sur le plan éthique et solidaire, même si les silos européens débordent, difficile d'accepter de brûler du blé, céréale de base pour notre alimentation.
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