12 novembre 2005

Un générateur, alimenté par de l'huile de pourghère (jatropha curcas), permet d'illuminer un village malien de 3000 habitants

Ce biocarburant pourrait aussi remplacer l'essence dans les véhicules.

«Personne n'y croyait. C'était au-delà de nos rêves !» Batou Bagayoko, chef du village de Kéléya, ne cache pas sa joie de voir, depuis trois mois, les rues de sa localité éclairées la nuit. Son enthousiasme s'explique : l'électricité est une denrée rare au Mali. Seulement 13 % des cita­dins et moins de 1 % des ruraux y ont accès. Située à 100 km au sud de Bamako, Kéléya est la pre­mière localité à bénéficier du courant produit par un générateur alimenté par de l'huile de pourghère (Jatropha curcas), un arbuste de la famille des euphorbiacées. La popula­tion nage en plein bon­heur. Cheick Oumar Doumbia, soudeur, tra­vaille maintenant à l'élec­tricité. «J'ai quadruplé mes revenus», explique-t-il, un large sourire aux lèvres. Il vient de remiser au garage son vieux géné­rateur à gasoil, très coû­teux en carburant et constamment en panne. Assitan Kéïta, ex-commer­çante de céréales, possède maintenant un réfrigéra­teur. Elle vend de l'eau gla­cée, des jus de gingembre, d'oseille et des limonades. «Je ne peux pas expliquer tout le bien que le courant m'a apporté», dit-elle, avouant des revenus de l'ordre de 15 000 Fcfa par mois.

Le générateur qui alimente le réseau électrique a été installé par le Programme national de valorisation énergétique de la plante pourghère (PNVEP). Un réseau de plus de 2 km de câble électrique dessert la mairie, le bureau du sous-préfet, la mosquée, la maternité, l'école et une vingtaine d'abonnés.

Carburant bon marché

Aboubacar Samaké, le chef du PNVEP, place de grands espoirs dans ce car­burant végétal. «Le coût de production du litre d'huile de pourghère pouvant être estimé entre 170 Fcfa et 250 Fcfa contre 475 Fcfa, soit le double, pour le gasoil, le programme induira assurément à terme d'importantes éco­nomies notamment sur la facture d'importation pétrolière du pays, la pro­duction d'électricité en milieu rural et la consom­mation des véhicules», soutient-il.

Le programme prévoit l'électrification de cinq vil­lages en cinq ans. Il ambi­tionne aussi de convertir à ce biocarburant 20 véhicules 4x4 fonctionnant au gasoil classique. Égale­ment en vue, l'accroisse­ment de la production nationale de graines de pourghère grâce à l'amé­nagement de périmètres par les populations rurales. Le tout pour un budget de 708 millions de Fcfa, plus d'un million d'euros.

Le projet, aux activités relativement modestes, semble pourtant emballer les autorités maliennes. Lors du 45e anniversaire de l'indépendance du pays, le 22 septembre dernier, le président de la République, Amadou Toumani Touré, a déclaré : «La promotion et l'exploi­tation à une plus grande échelle du carburant bio­logique, dérivé du "bagani", la plante pourghère, sont à prendre en compte dans les stratégies alter­natives.» Il est même question de créer une com­pagnie de développement pour améliorer son rende­ment en graines, son "cycle cultural, les performances de l'huile produite comme carburant.

Multiples vertus

Appelé bagani (poison) en bambara, le pourghè­re est une plante facile d'entretien et qui résiste très bien à la sécheresse. Les animaux la boudent à cause de son odeur. C'est pourquoi les pay­sans la plantent en haies vives pour protéger leurs cultures. Les graines sont utilisées comme purgatif en médecine traditionnelle et l'huile pour fabriquer du savon.

L'idée de faire de cette huile un carburant ne date pas d'aujourd'hui. Pendant la Seconde Guerre mon­diale, en 1942, le colonisa­teur français avait expéri­menté ce carburant pour prévenir une éventuelle pénurie de pétrole. Les tests furent peu probants et le projet abandonné. Au début des années 1990, les expériences reprennent avec l'installation d'un moteur à huile végétale pour actionner un moulin à céréales et un groupe électrogène. Depuis, diverses études ont confir­mé la faisabilité technico-économique et les avan­tages environnementaux liés à la valorisation du pourghère. La vulgarisa­tion du carburant vert doit beaucoup à la fabrication par les ateliers militaires centraux de Markala d'une presse mécanique pour traiter les graines.

À Kéléya, on continue de profiter du courant sans payer un sou. Mais, pas pour longtemps : les abon­nés recevront bientôt leurs premières factures d'élec­tricité.

source:
http://www.malikounda.com/nouvelle_voir.php?idNouvelle=5102

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