9 décembre 2005

Si le«petit éolien» séduit de plus en plus de particuliers, les démarches et les investissements restent lourds et demandent une grande motivation

Robert Laurent a 83 ans et une éolienne dans son jardin. Pas pour faire joli mais «pour être indépendant du pétrole». Il possédait déjà sa pompe à chaleur, il voulait produire son électricité : il a investi 17 000 euros dans son installation, fonctionnelle depuis le 5 juillet. «Maintenant, tout dépendra du vent...» L'envolée des prix du brut donne des ailes au petit éolien, beaucoup rêvent d'acquérir leur autonomie énergétique : électricité ou eau chaude gratuites. Mais ce marché balbutiant requiert beaucoup d'énergie et d'obstination de la part des particuliers qui n'ont qu'une vague idée du parcours d'obstacles à franchir.

Quatre mois pour obtenir un permis

«Elle n'est pas bruyante, sauf quand elle tourne vite.» Premier dans le département de la Dordogne à arborer sa petite éolienne, Robert Laurent a dû s'accrocher : première étape, le permis de construire - obligatoire si le mât dépasse 12 mètres. Pour l'obtenir, il faut remplir des dossiers, fournir des plans à la direction de l'équipement, s'assurer que le service d'archéologie n'y voit pas d'inconvénient. Jusque-là, tout est normal.

On lui demande alors d'envoyer son dossier à la Direction de l'aviation civile. Avis favorable mais qui n'engage à rien : le dossier part à l'armée de l'air à Bordeaux, laquelle consulte la marine, la gendarmerie, l'armée de terre (à cause des hélicoptères, des interférences sur les liaisons radios...) et impose un éclairage clignotant sur l'éolienne. «Finalement, en quatre mois, j'ai réussi à obtenir mon permis, c'était une démarche autant technique qu'intellectuelle.» Et pour laquelle il faut avoir le temps. A une quinzaine de mètres de sa maison, l'éolienne s'élève à 24 mètres, dépassant les arbres de 4 mètres. Elle devrait fournir au retraité un tiers de sa consommation d'électricité, soit entre 3 000 et 4 000 kWh par an.

Des commandes doublées chaque année

L'éolienne individuelle séduit une clientèle variée du moment qu'elle dispose d'un bout de terrain : «Nos clients sont des institutions, des colonies de vacances, des agriculteurs et des particuliers entre 40 et 60 ans qui veulent maîtriser leur cadre de vie, des jeunes qui se lancent ou des retraités qui s'ennuient», explique Olivier Krug, qui importe la plupart de ses machines de l'étranger et les installe. Il a démarré en 2003, ses commandes doublent chaque année. Mais ce marché soumis à une forte demande est encore anarchique : «Il y a encore beaucoup de bulles de savon [des vendeurs peu sérieux], des machines qui ne marchent pas, beaucoup de frais de mise au point et un réseau mal développé.»

Le grand public répond présent : ainsi à Calvi, lors du Festival du vent de début novembre, le stand tenu par deux employés de Travere Industrie ne désemplissait pas. «Nos pales en composite de carbone sont remplies avec de la mousse expansée, les bouts sont arrondis, la fuite est fine, elles ne sifflent pas. Elles ne font pas de bruit, nous les faisons tester par EDF, nous arrivons à 40 décibels.» Tous deux vantaient leurs petites éoliennes créées par un ingénieur de génie, Pierre Travere. La plus petite mesure 3,60 mètres de diamètres, fournit 3 kw au mieux, et coûte 5 000 euros. Aujourd'hui la petite entreprise artisanale se développe: 200 éoliennes seront livrées cette année, deux fois plus qu'en 2004.

Des relations complexes avec EDF

Les adeptes du petit éolien se heurtent à d'autres difficultés administratives, notamment s'ils veulent se raccorder au réseau EDF et revendre l'énergie produite. EDF est obligé de racheter le surplus mais, semble-t-il, n'aime pas ça, les dossiers à remplir sont des plus rébarbatifs (en Allemagne, par exemple, la procédure est très simple). Giorgio Daniele, un ingénieur de 56 ans habitant le Loiret, a associé le solaire photovoltaïque avec une «petite» éolienne de 11 mètres de haut qui suffit à l'éclairage et à l'électroménager. Il a expérimenté les dossiers compliqués avec EDF : «Si on n'est pas motivé, on abandonne.» Gregory Blot, agriculteur, utilise l'énergie éolienne pour alimenter en électricité son pont de pesage ; il a mis un an à obtenir les autorisations pour revendre son électricité et a dû passer par six unités différentes d'EDF.

«Quand il y a du vent et les autorisations»

Mais il arrive que l'éolien corresponde parfaitement aux besoins, sans devenir un casse-tête. Comme pour Christine, qui vit avec ses deux enfants dans un endroit très isolé du Var. Sa maison n'est pas reliée au réseau EDF, ses voisins en bout de ligne sont à un kilomètre: «Le devis était trop cher, et puis c'est un endroit magique, alors y voir des poteaux... On a décidé de s'équiper en renouvelable.» Avant l'éolienne, elle fonctionnait avec un groupe électrogène très bruyant. Aujourd'hui, elle peut s'absenter plusieurs jours et trouver ses batteries pleines quand elle rentre grâce à sa petite éolienne qui lui fournit entre 900 et 1 200 watts. «Elle chuinte comme un bateau à voile, ce n'est pas gênant, on la voit de très loin car j'habite sur une colline, les seules réactions que j'ai eues viennent de personnes intéressées par la démarche. Je trouve ça beau et poétique.» Aucune subvention pour elle, c'était trop compliqué. Mais elle vit en complète autonomie énergétique.

«Le marché existe mais ne progresse pas très vite», constate Marc Vergnet, qui a démarré en construisant de petites éoliennes et est aujourd'hui le leader mondial de l'éolienne moyenne. «La solution tient la route quand il y a du vent et des autorisations, ces dernières sont le plus gros handicap.» Et tout le monde n'a pas l'énergie de Robert Laurent.

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