1 février 2006

Automobile: préparer la fin du tout pétrole

Le groupe Peugeot-Citroën a présenté ce matin deux bijoux de technologie, une 307 et une C4 hybrides à moteurs Diesel et électrique. D'ici à vingt ans, le nombre de véhicules va augmenter de 50% alors que la production d'or noir diminuera. Il devient donc urgent d'économiser.

Les chiffres du transport peuvent être tournés dans tous les sens, ils ne tiennent pas la route. Aujourd'hui, le parc mondial automobile compte environ 700 millions de véhicules. D'ici à vingt ans, avec le développement de pays dits «émergents», comme la Chine et l'Inde, il devrait augmenter de moitié! Une projection vertigineuse qui deviendra rapidement quadrature du cercle s'il faut abreuver tous ces moteurs en pétrole: celui-ci pollue, et ses réserves ne sont pas infinies. Laissons aux futurologues la date exacte de sa disparition et contentons-nous d'une perspective raisonnable: autour de 2025-2030, la production de l'hydrocarbure-roi commencera inexorablement à décliner…

« De toute urgence, l'homme doit trouver non pas un, mais plusieurs systèmes de propulsion, car l'automobile, elle, ne disparaîtra pas de nos sociétés», pronostique le député Claude Gatignol (UMP), auteur, avec Christian Cabal (UMP), d'un rapport récent sur «la voiture du futur». Ouf! Nos hommes politiques s'inquiètent enfin. Les constructeurs aussi. La semaine prochaine, Carlos Ghosn, jusque-là très discret en matière d'innovations, dévoilera la stratégie de Renault pour les trois prochaines années. De son côté, le groupe Peugeot-Citroën (PSA) a présenté ce mardi deux bijoux de technologie, une 307 et une C 4 hybrides à moteurs Diesel et électrique. Le principe? Au démarrage, à l'arrêt ou en progression lente, un calculateur électronique déclenche la propulsion électrique. Puis, lorsque la voiture accélère au-delà de 50 kilomètres par heure, un moteur classique prend le relais. D'où une importante réduction de la consommation en carburant et de la pollution urbaine.

« En nous lançant dans ce projet, nous ne nous attendions pas à aboutir à une pareille rupture technologique», s'enflamme Alain Klein, directeur du programme systèmes fonctions automobiles avancées de PSA. Et comment! Avec 3,4 litres pour 100 kilomètres et 90 grammes de CO2 émis par kilomètre, soit 30% de moins qu'un modèle diesel classique, cette C 4 s'impose comme la voiture familiale compacte la plus propre au monde. Une performance à faire rougir les Japonais de Toyota, qui, avant tout le monde, ont mis sur le marché un modèle hybride essence-électrique. Vendue à un demi-million d'exemplaires depuis sa sortie, en 1997, la Prius constitue la première réussite industrielle d'une propulsion nouvelle.

Forts de cet exemple, et avec presque dix ans de retard, nombre de ses concurrents tentent donc, à leur tour, de surfer sur cette vague propre. Le dernier grand Salon automobile, à Detroit (Etats-Unis), qui fermait ses portes la semaine dernière, fourmillait ainsi de modèles et d'annonces, comme celle de Ford, qui prévoit d'équiper, à l'horizon 2010, la moitié de ses produits de fonctionnalités hybrides… De son côté, la marque au lion espère commercialiser ses engins à la même échéance et en priorité dans les pays où le diesel est fortement implanté.

Défi majeur: tendre vers un carburant plus propre
Doter une même voiture de deux moteurs: l'idée, séduisante, est pourtant loin de faire l'unanimité. Pour certains acteurs de l'industrie automobile, le surcoût (4 000 euros) et les faibles perspectives de marché (3,5% en 2010) ne méritent pas tant de bruit. De façon générale, ils ne croient pas en une forme révolutionnaire de propulsion et préfèrent concentrer leurs efforts de développement sur les moteurs et les carburants. Or, depuis que l'homme a mis le pied sur l'accélérateur, l'essence s'est imposée, non sans raison, comme la solution la plus satisfaisante: ressource abondante, assez bon marché, facile à extraire, à transporter et à stocker contrairement à ses challengers (gaz, hydrogène, etc.), elle possède, enfin, d'excellentes qualités énergétiques. Bref, faute de concurrent direct, les moteurs thermiques classiques ont encore de belles années devant eux. D'autant qu'ils se montrent moins gourmands et qu'ils vont connaître une cure d'amincissement. Déjà, en une trentaine d'années, leur consommation a chuté de 18% pour les modèles à essence et de 25% pour les diesels. Et les spécialistes estiment pouvoir encore réduire leur cylindrée (de 3 à 1,8 litre, par exemple) tout en conservant les mêmes rendements.

Grand vainqueur de ces évolutions, le moteur Diesel représente, chez nous, les deux tiers des immatriculations. Un phénomène, au départ très frenchy - nos constructeurs ayant massivement investi dans cette filière - qui a progressivement gagné la moitié du marché européen. De fait, un modèle diesel est plus propre et consomme en moyenne 20% de moins qu'une version essence, grâce à une palanquée d'innovations: injection directe, turbocompresseur, filtre à particules, etc. «Depuis vingt ans, les recherches ont bénéficié au diesel, dont nous entrevoyons désormais les limites technologiques, estime Philippe Bernet, responsable de la technologie au département de l'ingénierie mécanique de Renault. Désormais, notre objectif consiste à transposer l'essentiel de ces avancées sur le moteur à essence classique.»

Parallèlement, puisque la conception des engins ne changera pas radicalement, un autre défi majeur va obnubiler le monde de l'automobile: tendre vers un carburant plus propre pour consommer moins d'hydrocarbures et émettre moins de gaz à effet de serre. D'ici à 2009, la législation européenne imposera aux raffineries de baisser la teneur en soufre de 50 à 10 parties par million (ppm) pour une meilleure combustion des moteurs à injection. Mais ce chantier environnemental concernera aussi nos… agriculteurs, puisque la France se tourne, inéluctablement, vers les biocarburants, issus de produits agricoles.

Lors de sa conférence de rentrée, au mois de septembre 2005, Dominique de Villepin célébrait l'avènement de l' «ère de l'après-pétrole» en promettant d'accélérer l'adjonction de ces carburants verts dans le super et le gazole à la pompe à hauteur de 5,75% d'ici à 2008; puis de 7% en 2010 et de 10% en 2015. «La pente est raide, mais la route est droite», aurait pu dire le Premier ministre en citant son prédécesseur - tant nous partons de loin. Car, au-delà de l'effet d'annonce, les mots sont en parfait décalage avec la réalité, comme Bruxelles l'a récemment rappelé à Paris par l'intermédiaire d'une lettre comminatoire: avec un taux actuel en deçà de 2%, nous ne respectons même pas les directives européennes…

Il existe deux types principaux de biocarburants: le biodiesel, tiré de plantes oléagineuses (essentiellement du colza) et le méthanol, qui peut être aisément mélangé au gazole; et, pour l'essence, l'éthanol, issu de la fermentation des sucres et de certaines denrées (betterave, canne à sucre, blé, pomme de terre, maïs). En 2005, la France a consommé un peu plus de 400 000 tonnes de biocarburants (à peine 1% du total des carburants), avec une très nette inclination (80%) pour le biodiesel, commercialisé sous le nom de Diester. Un déséquilibre qui s'explique, en partie, par la prépondérance du diesel dans l'Hexagone, dont la conséquence première aura été une diminution drastique de la production de super. «Ajouter, encore, de l'éthanol, alors que cette consommation est en chute libre, est mal perçu par l'industrie pétrolière», souligne Pierre Cuypers, président de l'Association pour le développement des carburants agricoles (Adeca).

A l'inverse, intégré au gazole, dont la consommation a atteint 31 millions de tonnes en 2005, le Diester ne rencontre pas autant de réticences: «Afin de répondre aux demandes du gouvernement, l'ensemble de la profession du biodiesel va dépenser 250 millions d'euros dans la création de nouvelles usines, insiste Philippe Tillous-Borde, président de Diester Industrie. Un investissement colossal qui doublera notre capacité de production à 700 000 tonnes avant la fin de l'année.»

Aucun carburant vert ne remplacera jamais le pétrole, mais la multiplication des filières de substitution permettra de retarder sa fin, inéluctable. Quitte à développer les «produits dérivés» de l'or noir, comme le gaz de pétrole liquéfié (GPL). Troisième source de motorisation à travers la planète, il a largement été adopté en Italie (1,2 million d'utilisateurs), en Turquie (1 million) ou encore aux Pays-Bas. En France, il a été encouragé à l'excès: 200 millions d'euros ont ainsi été engloutis pour équiper 2 000 stations-service! Un réseau aujourd'hui surdimensionné, puisque l'Hexagone ne compte que 180 000 convertis. Chez nous, le GPL souffre d'un véritable déficit d'image à la suite d'une série d'explosions, comme à Vénissieux, en 1999. «Mais il n'y a pas que ça: les pouvoirs publics italiens se montrent aussi plus constants que les nôtres dans leurs choix», regrette François-Xavier Dagnas, du Comité français du butane et du propane (CFBP). Ainsi, le gouvernement Villepin vient de décider de supprimer le crédit d'impôt (2 000 euros) sur la plupart des véhicules GPL sous prétexte que leurs émissions en gaz carbonique sont trop élevées. Une décision surprenante, alors même que les ventes aux particuliers reprenaient lentement depuis deux ans…

Le GNV, idéal pour limiter les émissions de CO2
Manque de vision politique à long terme, mais aussi mauvaise volonté des constructeurs français. Tel est le mal dont souffre l'autre filière gazière de carburant, celle du gaz naturel pour véhicule (GNV). «Il représente, pourtant, la voie royale pour diminuer les émissions de CO2 dans le secteur des transports», soutient Richard Tilagone, chef de projet carburant gazeux à l'Institut français du pétrole (IFP). L'Hexagone compte 10 000 véhicules fonctionnant au GNV. Mais tous ou presque appartiennent à des collectivités locales ou à des sociétés publiques: autobus, camions-bennes, petits utilitaires. Côté particuliers, faute d'offre, c'est le désert. Seul Citroën propose un modèle au GNV, une C 3, à condition de disposer chez soi d'un compresseur qui, branché sur le réseau local de Gaz de France, permet de nourrir l'engin. A l'heure actuelle, Renault étudie des versions «gaz naturel» de la Clio et, plus surprenant, de la Logan, destinée au marché… iranien.

Parce que, hors de nos frontières, le GNV, comme le GPL, rencontre un franc succès: 1,3 million d'engins en Argentine, 1 million au Brésil, 400 000, encore, en Italie. La France, elle, se distingue à nouveau par son choix «tout diesel», qui n'incite pas les constructeurs à mettre sur le marché des solutions différentes.

Cette «exception française» se retrouve aussi dans notre propension à nous engager sur des chemins de traverse. Comment, en effet, interpréter autrement le soutien sans faille dont bénéficie la voiture électrique, alors que la plupart des grandes marques ont abandonné leurs programmes après une décennie d'échecs ? Aujourd'hui encore, deux industriels, Serge Dassault (propriétaire de L'Express) et Vincent Bolloré y investissent des fortunes. Même interrogation pour la pile à combustible, portée au pinacle par les constructeurs, alors que sa transposition dans une voiture construite en série semble inaccessible avant un bon quart de siècle… D'ici là, le réchauffement climatique aura fait son œuvre, le pétrole sera une ressource naturelle aussi précieuse que l'or et nos enfants n'auront plus le choix: eux seront condamnés à prendre la route des propulsions alternatives.

source:http://www.lexpress.fr/info/quotidien/actu.asp?id=2333

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