3 octobre 2006

Une compagnie indienne championne de l'énergie éolienne

Dilip Pantosh Patil utilise une charrue au soc de bois tirée par un boeuf pour labourer le même lopin de terre que son père, son grand-père et son arrière-grand-père. Mais il a maintenant un nouveau voisin: une éolienne d'un blanc éclatant plus haute qu'un édifice de 20 étages qui génère de l'électricité tout près de son champ de fèves.

Aux yeux de certains, l'énergie éolienne est encore perçue comme le jouet d'environnementalistes plus soucieux d'énergie propre que d'économies. Mais l'énergie éolienne se présente comme une solution de remplacement à considérer non seulement dans les pays riches, mais aussi dans des pays où la croissance économique est vive comme en Inde et en Chine, des pays qui cherchent désespérément de nouvelles sources d'énergie. Dans le centre-ouest de l'Inde, la société Suzlon Energy est devenue la championne de ce domaine.

Suzlon domine déjà le marché indien et assure son essor rapide à l'étranger, ayant construit des usines à Pipestone, au Minnesota, et à Tianjin, en Chine. Le carnet de commandes de Suzlon, bien garni, se compose pour les quatre cinquièmes de demandes de clients hors de l'Inde.

Jusqu'en 2002, Suzlon ne figurait même pas sur les listes des 10 plus importants fabricants d'éoliennes dans le monde. L'an dernier, l'entreprise a damé le pion à Siemens, d'Allemagne, et est devenue le cinquième producteur au monde au chapitre de la capacité installée (exprimée en mégawatts).

Un exemple

Le passé de Suzlon démontre comment une compagnie peut prospérer en répondant aux besoins particuliers d'un pays en forte croissance. Ses réalisations présentes prouvent qu'il est possible de répondre aux besoins énergétiques de plus en plus grands sans compter autant sur le charbon, carburant fossile dont la consommation affiche la plus grande croissance actuellement, mais qui s'avère aussi le plus polluant.

Et l'on peut penser que l'avenir de Suzlon servira d'exemple pour les manufacturiers en concurrence avec des compagnies chinoises.

À maints égards, Suzlon est le produit du système dysfonctionnel de distribution de l'électricité en Inde. Dans ce pays, les producteurs d'électricité qui appartiennent aux divers gouvernements imposent aux utilisateurs industriels des tarifs deux fois plus élevés que ceux que doivent payer des consommateurs semblables aux États-Unis, et les clients doivent tout de même subir des pannes de courant presque chaque jour, en particulier dans le nord de l'Inde.

Soumis à des pressions politiques, les dirigeants des sociétés productrices d'électricité sont souvent lents à recueillir les paiements des clients résidentiels et des entreprises jouissant de «bons contacts», en particulier avant des élections. Il en résulte que ces producteurs sont souvent à court d'argent pour investir dans de nouveaux équipements.

Pour poursuivre leurs activités et pour prévenir des pannes qui nuieraient aux activités informatiques ou industrielles cruciales, une vaste gamme d'entreprises comptent sur des génératrices au diesel encore plus coûteuses.

Étant donné que les prix du gaz naturel ne cessent de grimper, les éoliennes sont devenues attrayantes aux yeux des entreprises indiennes. L'Essar Group, de Mumbai, un énorme conglomérat industriel actif dans les secteurs de la navigation, de l'acier et de la construction, planche sur un projet d'un parc d'éoliennes près de Chennai (l'ancienne Madras) après en être venu à la conclusion que le contexte actuel en Inde rendait le projet financièrement attrayant.
Des entreprises d'abord

Environ 70 % de la demande d'éoliennes en Inde sont le fait d'utilisateurs industriels qui cherchent à être moins dépendants du réseau électrique conventionnel, souligne Tulsi R. Tanti, directeur général de Suzlon. Le reste des achats est l'affaire d'un petit groupe de familles riches en Inde pour qui les allégements fiscaux liés au recours aux éoliennes sont alléchants.

L'énergie éolienne demeurera concurrentielle tant que le prix du pétrole brut restera au-dessus de 40 $ US le baril, estime M. Tanti. Pour demeurer efficace sur le plan des coûts lorsque le baril de pétrole est sous la barre des 40 $ US, l'énergie éolienne aura peut-être besoin de subventions ou de taxes particulières sur le pétrole et d'autres carburants fossiles.

M. Tanti et ses trois jeunes frères dirigeaient une usine de textile à Gujarat, dans le nord-ouest de l'Inde, lorsqu'ils ont acheté une éolienne allemande, pour se rendre compte qu'ils ne pouvaient pas la faire fonctionner tout le temps. Ils ont alors décidé de construire leurs propres éoliennes et d'en faire l'entretien. D'où la fondation de Suzlon en 1995. Plus tard, ils ont quitté le secteur du textile.

Pour réduire au minimum les coûts d'implantation, les parcs d'éoliennes sont habituellement érigés en zones rurales, choisies selon la vigueur du vent et les bas prix des terrains. Mais cela peut entraîner un choc culturel.

«Il n'y avait pas eu de gros changements avant l'arrivée des éoliennes», raconte M. Patil de son terrain montagneux, à quelque 320 kilomètres au nord-est de Mumbai. Faire des affaires dans les zones rurales des pays en émergence s'accompagne de défis particuliers. Le nouveau parc éolien de Suzlon à Khori est source de fierté nationale. Plus de 300 éoliennes géantes équipées de pales de 33 mètres brassent l'air pour produire de l'électricité. Mais les dirigeants du parc sont aussi aux prises avec l'anarchie sporadique qui mine l'Inde depuis longtemps.

Par exemple, au parc éolien de Khori, dirigé par S. Mohammed Farook, au moins 63 nouvelles éoliennes, valant 1,3 million US pièce, ne pouvaient être mises en service parce que des voleurs avaient mis la main sur leurs fils en cuivre et les échelles de service en aluminium pour vendre le tout à la ferraille.

Les bouts de cuivre ou d'aluminium se vendent aussi peu que 1 $ US sur le marché noir de la ferraille. Mais chaque réparation d'éolienne coûte des milliers de dollars en pièces et en temps dans un pays qui manque d'électricité et de techniciens.

En dépit de problèmes semblables, Suzlon a rapidement surmonter ses difficultés lorsque la demande mondiale d'énergie éolienne s'est envolée. Ses ventes et ses bénéfices ont triplé au cours du trimestre terminé le 30 juin dernier, la compagnie empochant l'équivalent de 41,6 millions US sur des ventes de 202,4 millions US.

La demande d'éoliennes s'est particulièrement accélérée en Inde, où les installations ont fait un bond de près de 48 % l'an dernier, et en Chine, où elles ont augmenté de 65 %, depuis une base plus modeste toutefois.

Des parcs éoliens commencent à apparaître dans le paysage côtier du centre-est de la Chine et dans le sud de l'Inde, de même que dans la partie centrale du pays et même en Mongolie intérieure.

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